Rencontre avec une figure emblematique d’une «fake science», le Danois Emil Kirkegaard, nouvelle coqueluche de l’extreme droite
Dans les jardins de l’universite d’Aarhus, la seconde metropole du Danemark, les tracas de l’univers ne semblent pas exister. Entre les elegants batiments serpentent des allees impeccables ou les etudiants circulent a velo, dans un calme trouble via des seuls cris des mouettes. La mer reste a quelques centaines de metres. C’est ici qu’Emil Kirkegaard a etudie et habite pendant six ans. Diplome depuis un an, il vit aujourd’hui chez un ami. Meche de cheveux rebelle, t-shirt froisse et sac en bandouliere, il ressemble a tous ces autres jeunes gens. Ardu de croire que c’est ici, sur les hauteurs de votre elegante metropole portuaire, dans l’une des petites chambres en residence universitaire, que nos defenseurs du racisme scientifique ont trouve leur nouvelle caution.
Emil Kirkegaard a 27 ans et se definit comme «genie universel» et «chercheur independant». Il ne depend plus d’aucune universite ou ne poursuit aucun doctorat. «Pas besoin, je suis autodidacte». Quelques minutes de conversation avec lui suffisent pour prendre conscience de sa grande mais glaciale vivacite d’esprit. Ses phrases s’enchainent concernant le meme ton, a J’ai aussi vitesse, dans un anglais bon. «Les Danois ont longtemps ete nos meilleurs en anglais, ce sont dorenavant nos Autrichiens ou nos Suedois», semble-t-il regretter. Kirkegaard a etudie la linguistique mais ne s’y interessait nullement. «J’ai suivi votre cursus juste pour pouvoir toucher une bourse», admet-il. Dans le meme temps, il s’est forme seul a toutes les mathematiques, a toutes les statistiques, a Notre programmation. «Il y a d’excellents livres et manuels en ligne. J’ai toujours ete curieux. Quand j’avais 8 annees, ma mere m’a donne une encyclopedie. Je l’ai lue en entier. Elle est typographe, un metier qui n’existe plus aujourd’hui», indique le jeune homme qui possi?de grandi a Malmo. Cela ne dira gui?re quel metier faisait son pere, juste qu’il n’avait «aucune qualification»-
«La version scientifique de l’alt-right»
Depuis 2010, Emil Kirkegaard utilise ainsi ses competences Afin de analyser l’integralite des informations qu’il voit web Dans l’optique de prouver scientifiquement une supposee hierarchie genetique entre nos humains. Au milieu des Occidentaux et Asiatiques en haut d’une pyramide, Africains et Roms en bas. «Il est la version scientifique de l’alt-right, une telle mouvance americaine d’extreme droite suprematiste», explique Paul-Olivier Dehaye, mathematicien et co-fondateur de Personaldata.io. Kirkegaard nie en epouser nos theses. «Je cherche seulement a comprendre le fondement des inegalites entre des humains, et je ne pense gui?re qu’elles dependent uniquement de leur environnement ou de leur education.».
Kirkegaard reste l’auteur d’une soixantaine d’articles de recherche, l’ensemble de tournant autour des memes themes: «Les resultats scolaires des migrants dans les ecoles primaires danoises previsibles en fonction de leur pays d’origine»; «Pays d’origine et aides sociales: des stereotypes paraissent valides au Danemark»; «Criminalite et pays d’origine en Allemagne», etc. en meme maniere que les https://besthookupwebsites.org/fr/mocospace-review/ sites de fake news se presentent tel officiels, bien reste fera pour apporter a ses recherches une allure respectable. Ses articles sont fouilles, precis, documentes, argumentes. «Kirkegaard reste tres intelligent et ses mathematiques seront tres poussees, explique Emily Gorcensky, mathematicienne et data scientist, qui l’an soir avait alerte la communaute scientifique sur le danger des methodes du Danois. Seulement sa demarche est l’inverse d’une demarche scientifique: il tord les chiffres au sein d‘ tous les sens jusqu’a arriver a un resultat qui confirme son biais, a savoir que les migrants musulmans paraissent genetiquement moins intelligents et commettent davantage de crimes.»
L’univers en science traverse la meme crise de confiance que un chacun des medias, et les chercheurs seront accuses d’etre biaises ou trop a gauche. Certains cherchent donc a creer 1 espace anti-establishment
Le chercheur Petter Bae Brandtzaeg
L’annee derniere, Kirkegaard a aspire les precisions de 70’000 profils sur le site de rencontres OkCupid Afin de tenter de prouver la correlation entre intelligence et croyance religieuse. Dans une indifference quasi generale – OKCupid avait mollement proteste –, les autorites danoises envisagent un an prochainement de le poursuivre apres que Paul-Olivier Dehaye, les a alertees. Qu’importe Afin de Kirkegaard. «En psychologie, les chercheurs se basent regulierement sur des groupes de 40 gens a peine pour deceler des tendances, votre n’est gui?re assez. Mes sites de rencontre representent une opportunite inouie pour etudier les comportements humains», se rejouit-il. «J’ai aussi des amis qui ont importe les donnees de milliers de profils Tinder pour developper des logiciels de reconnaissance faciale, tout le monde fait ca», se justifie le «chercheur independant».
Kirkegaard s’est aussi servi des resultats des tests de QI pratiques avec l’armee danoise lors du service militaire pour evaluer la difference supposee d’intelligence entre nos etrangers europeens et non-europeens. Il traque l’integralite des donnees en libre acces possibles i propos des mouvements migratoires pour etablir une correlation entre islam et criminalite, islam et intelligence, etc. «Il incarne nos pires derives du big data», alerte Michael Zimmer, professeur dans l’universite du Wisconsin et specialiste en data-ethique, dans un article pour le magazine specialise Wired.
Guerre de l’information
Notre Danois publie ses chantiers dans Google Scholar, portail cense etre reserve aux universitaires et permettre une circulation ouverte des aptitudes. Interroge avec «Le Temps» sur la presence d’articles a telles consonances sur sa propre plateforme, Google repond que s’il y avait 1 probleme, son systeme d’alerte l’aurait vu.
Kirkegaard a egalement cree trois revues «scientifiques»: Open Psychology, Open Behavioral genetics et Open quantitative Sociology and political science. Au monde une recherche, etre publie dans une revue signifie la validation d’un article par ses pairs. Creer sa propre revue va permettre d’echapper a ce circuit. «Emil Kirkegaard se donne l’apparence de respectabilite, aussi qu’il n’en a pas grand chose. Apres les fake news, la fake science», poursuit Paul-Olivier Dehaye. «Une guerre de l’information reste en lei§ons. Beaucoup de publications scientifiques autoproclamees apparaissent en ce moment, au but de defendre un but ideologique precis, ajoute Petter Bae Brandtzaeg, chercheur au SINTEF en Norvege, ainsi, professionnel des fake news. Ca a commence avec les climatosceptiques et se poursuit aujourd’hui au milieu des suprematistes. Le monde une science traverse la meme crise de confiance que le monde des medias, ainsi, les chercheurs seront accuses d’etre biaises ou trop a gauche. Plusieurs cherchent donc a creer un espace anti-establishment».